Esthétisme et démarche bioclimatique

La question esthétique en architecture et la notion de développement durable

L’architecture, c’est l’art de concevoir, de combiner et de disposer des espaces. La pratique architecturale renvoie à différentes notions. La première, la plus abordée, et sans doute la plus complexe à définir : l’esthétique. En effet cette notion évoque directement le « beau ». Mais quelle objectivité face au beau ? Le beau est-il universel ? Le beau se différencie t-il de l’esthétique ?
La deuxième notion, également liée à l’apparence est la technique. Celle-ci est nécessaire à l’accomplissement d’un geste architectural. Par des techniques appropriées, comme des éléments pleins ou vides, fixes ou mobiles, opaques ou transparents, l’architecte compose des volumes ayant pour but de protéger l’homme face aux différents dangers ou nuisances naturelles ou artificielles.
C’est à travers la technique qu’apparaît la troisième notion : la dimension sociale. Elle met l’homme au centre et touche aussi à l’essence même d’un projet architectural : se loger, travailler, s’instruire, se cultiver, s’informer, se divertir, sont autant de fonctions que doit offrir un bâti à une société.

Il est aujourd’hui question au quotidien de la problématique environnementale et du développement durable dans le domaine de la construction. Ces notions apparues dans les années soixante dix puis définis dans le rapport Bruntland de 1987 s’appuient sur une démarche plus ancienne : l’architecture climatique. Entendons par là, une conception qui tient compte du climat et de la course du soleil. En effet, les années soixante et soixante dix ont marqué un véritable tournant en matière d’architecture climatique et plus précisément d’architecture solaire passive avec l’apparition de la démarche bioclimatique. En 1963, Victor Olgyay dans son ouvrage Design with climate – Bioclimatic approach to architectural regionalism définit l’architecture bioclimatique comme « un principe de conception architecturale visant à utiliser, au moyen de l’architecture elle-même, les éléments favorables du climat en vue de la satisfaction des exigences du confort thermique ». La démarche bioclimatique, véritable discipline pour l’architecture contemporaine, met en relation trois paramètres : l’utilisateur – le climat – le bâtiment. Cette démarche, partie prenante du développement durable, vise à optimiser le confort des habitants et à minimiser l’impact du bâtiment sur l’environnement. Il s’agit de minimiser les recours aux énergies non renouvelables, mais également de diminuer les coûts de réalisation, de fonctionnement et d’entretien. La définition de Victor Olgyay intègre la notion d’esthétisme. Ainsi, l’architecture bioclimatique offre un panel de solutions et de conceptions pouvant traduire un acte architectural.

Pierre Georges, géographe français s’accorde également à mettre en corrélation l’esthétique avec les questions environnementales et durables dans son ouvrage Que sais je ? L’environnement publié en 1972 : « Le mot environnement est employé par les architectes et les urbanistes pour qualifier la zone de contact entre un espace bâti et le milieu naturel ambiant (…). Il s’agit d’une notion d’esthétique, qui implique pourtant aussi un certain effet physiologique et psychologique sur l’individu, à l’extrême un effet pathologique (…). Il se charge d’éléments sociologiques quand on fait intervenir, dans la notion de milieu, l’ensemble humain dans lequel est plongé l’individu, d’éléments économiques et technologiques si l’on prend en considération un niveau d’équipement (…) ».

Lors de l’élaboration d’un projet, il est nécessaire de bien cibler la différence, entre l’influence que peut avoir l’architecte sur le bâtiment et les équipements techniques visant à l’amélioration du bilan énergétique. En effet, le concepteur peut décider de l’implantation, de la morphologie, de la distribution et des matériaux utilisés. Ces interventions définissent parfaitement le concept d’architecture bioclimatique. Ainsi, c’est par la conception même du bâti, que l’architecte peut commencer à influer sur
la maîtrise des énergies. Les installations de dispositifs et d’appareils techniques tel que les pompes à chaleurs, les chaudières biomasses ou les puits canadiens entre autres, amélioreront d’autant plus les performances énergétiques du bâtiment sans pour autant avoir une influence sur son apparence. Ces équipements mécaniques de chauffage et de ventilation consomment de l’énergie et ne devraient servir que de complément durant les périodes pendant lesquelles les moyens passifs s’avèrent insuffisants.

Finalement, aujourd’hui l’esthétique en architecture ne doit pas se résumer uniquement à une recherche du beau mais doit prendre compte ce qu’on pourrait appeler le « savoir vivre ensemble ». Un bâtiment peut être une réussite esthétique si il intègre les concepts bioclimatiques et qu’il communie avec l’environnement, la nature tout en assurant le principe de durabilité. Le beau c’est subjectif, l’emprunte environnementale c’est une réalité et un bâtiment qui est conçu pour durer peut simplement
être beau parce qu’il est conçu pour durer. Ici la recherche de l’esthétisme, c’est la recherche de la durabilité, le beau devient alors une valeur morale.

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